Commentaire réalisé par des élèves du Lycée Touchard - Le Mans 2009

 
            L’extrait que nous avons à présenter est un extrait de « La Peste » d’Albert Camus, né en 1913 en Algérie, où se déroule son texte, et mort en 1960 suite à un accident de voiture. Son père fut mobilisé lors de la 1ère GM et y mourut, Camus ne connut par conséquent pas son père et fut marqué par la guerre. Il écrivit, en 1942, « L’Etranger » qui est l’histoire d’un homme condamné à mort pour meurtre et qui plaide coupable, attendant sa mise à mort. Il faut aussi savoir que Camus accorde une très grande aux éléments naturels dans chacune de ses œuvres.
            Ce livre fut écrit en 1947 après le 2nde GM, et donc à cette époque les souvenirs, les craintes et les peines restaient omniprésentes dans la tête des gens. La plaie laissée par le Mal n’était pas encore cicatrisée.
            Cet extrait se trouve à la fin de l’œuvre qui raconte l’histoire d’une petite ville comme les autres, banales, qui est victime de la peste et donc vit repliée sur elle-même jusqu’à la libération, donc la fin de la peste. Dans cet extrait, Rieux, qui a précédemment avoué être le narrateur du texte, conclut son œuvre en présentant les hommes. Cet extrait agit donc comme une conclusion, voire une morale de l’œuvre.
            Nous amenons ainsi la problématique suivante : Quelles sont les caractéristiques de ce dénouement ?
            Le plan qui suivra et répondra à cette problématique sera divisé en trois parties. Premièrement, le joie amenée par la fin de cet épisode de la peste, une joie qui masque la deuxième partie de ce commentaire, à savoir la menace qui rôde toujours autour de la ville d’Oran avec le bacille de la peste qui ne peut être détruit et qui peut se cacher n’importe où. Dernièrement, nous évoquerons une sorte de morale faite à la fin de l’œuvre mais aussi de notre extrait, et qui fait appel aux souvenirs des victimes de la peste. Camus leur demande de ne pas oublier cette catastrophe, il réalise ici un devoir de mémoire.
 
            Nous allons donc débuter ce commentaire par la joie provoquée par la fin de l’épisode de peste et par conséquent de la vie de cette ville d’Oran, repliée sur elle-même depuis le début de l’épidémie. On peut en effet voir, de la ligne 1 à 5 : « grand ciel froid scintillait », « les étoiles durcissaient comme des silex », un symbole de lumière avec les étoiles qui brillent plus que jamais, cette lumière peut représenter l’espoir, l’espoir devenu réalité et qui guette « au-dessus des maisons » et « près des collines ». Lignes 5 et 6, on lit cette phrase : « la mer était plus bruyante qu’alors, au pied des falaises », on peut ainsi dire que la mer, pour la fin de la peste, fait du bruit comme pour fêter avec les hommes la fin de l’épidémie. On a ici une sorte d’osmose entre les hommes et la mer qui est un Elément. De la ligne 6 à la ligne 8, ce passage : « l’air était immobile et léger, délesté des souffles salés qu’apportait le vent tiède de l’automne » peut vouloir dire que l’air est plus libre, le vent tiède de l’automne arrive après la chaleur de l’été, les feuilles tombent et laissent place aux nouvelles, la vie reprend doucement son court. De plus, on trouve lignes 10 et 11 : « Mais cette nuit était celle de la délivrance, et non de la révolte » une opposition entre délivrance et révolte qui met en évidence le fait qu’ils soient libres. Lignes 12 et 13 : « Dans la nuit maintenant libérée, le désir devenait sans entraves » peut signifier, avec la nuit symbolisant la fête, que l’on s’abandonne aux réjouissances et que l’on ne pense plus à rien d’autre. On peut aussi observer à la ligne 15 : « Du port obscur montèrent les premières fusées », une opposition entre obscur et fusées qui met en évidence la lumière, la joie créée à cette occasion. Enfin, on voit aux lignes 16 et 17 : « longues et sourdes exclamation » qui est une exagération aux profits des réjouissances qui durent et qui occupent l’esprit des gens, ne serait-ce que pour se changer les idées.
            Nous avons ainsi présenté la joie, l’euphorie amenée par la fin de l’épisode de peste. La population fête cela et ne pense plus qu’à cela. Mais cette même population qui sait qu’une menace les guette.
            Nous allons maintenant développer la seconde partie de ce commentaire, dédiée à la menace du bacille de la peste qui rôde toujours et qui peut se cacher n’importe où.
 
            On trouve effectivement, dans cet extrait, certaines allusions à la menace que représente le bacille de la peste pour la ville d’Oran. Un bacille dont on sait : « qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses ». Ainsi, lignes 8 et 9, on voit : « La rumeur de la ville, cependant, battait toujours le pied des terrasses avec un bruit de vagues », la présence, déjà, d’un parallélisme entre « au pied des falaises » un peu plus tôt et « au pied des terrasses », on repère donc ici aussi une osmose entre les éléments et les hommes, qui ne peuvent exister l’un sans l’autre. De plus, il s’agit d’une métaphore mettant en relation la rumeur et la mer, rumeur qui comme les vagues, peut revenir à tout moment. On peut aussi voir que cette phrase est encadrée de deux mots traduisant l’opposition, à savoir « mais » et « cependant » et que celle-ci se trouve dans un paragraphe où les évènements sont orientés vers la joie de la délivrance, ce qui peut signifier que même si on tente de l’oublier en s’obnubilant d’allégresse, la menace de la peste aura toujours une place et elle agira comme un point noir, une tâche, que l’on ne peut pas faire disparaître. Ajouté à cela, ligne 11 : « noir rougeoiement », est une opposition sans être une opposition, elle est incomplète, le noir et le rouge ne sont en effet pas des couleurs qui s’opposent mais cette lumière rouge peut symbolisé un blanc taché de rouge, comme une victoire qui a non seulement coûté bon nombre de victimes, mais aussi d’une victoire incomplète, avec, laissée en suspend, le risque de la réapparition de la peste, et donc du retour du Mal.  Ligne 16, on trouve : « réjouissances officielles », comme si tout le monde savait officieusement que la menace était présente malgré tout et que ces réjouissances n’étaient ne fin de compte qu’un masque de joie, une nuit où l’on ne pense plus qu’à s’abandonner et à tenter d’oublier la catastrophe. De même, aux lignes 12 et 13 : « Dans la nuit maintenant libérée », peut signifier une nouvelle fois que la victoire est incomplète, qu’une menace rôde puisque seule la nuit est libérée et non le jour. De plus, au début du troisième paragraphe, on trouve : « Mais il savait cependant que cette chronique n’était pas celle de la victoire définitive », le fait que le paragraphe commence par « mais » renforce l’opposition avec le reste du texte, nous ne sommes donc plus dans les réjouissances mais une nouvelle fois dans la symbolique d’une victoire partielle, et par conséquent d’une menace présente. La suite du paragraphe n’est racontée qu’en une seule et même phrase, comme si elle représentait un combat sans fin, et encore et toujours la menace du bacille de la peste.
            Dans ce deuxième développement, nous nous sommes penchés sur les allusions au Mal qui peut ressurgir des entrailles de la ville n’importe quand, chez n’importe qui.
            Pour clore ce commentaire nous allons nous intéresser à un autre côté de cet extrait qui concerne une sorte de morale de l’œuvre qui demande de ne jamais oublier les morts de la peste et de ne jamais se laisser faire lors de catastrophes ou de l’apparition du Mal.
 
            On est en effet en mesure de repérer dans les derniers paragraphes de notre extrait, une espèce de morale, de conclusion à l’œuvre. Camus demande ainsi aux survivants de ce cataclysme de ne pas oublier ses victimes mais aussi de toujours faire face au Mal, de ne jamais se laisser entraîner par lui, ce que la population a légèrement fait durant cet épisode de peste. Dans les lignes 10 et 11 : « Mais cette nuit était celle de la délivrance, et non de la révolte », on peut aussi l’interpréter comme étant un oubli de la population qui ne voulant s’abandonner et oublier l’idée de mort, en oublie aussi les « résistants ». De même aux lignes 15 à 17 : « Cottard, Tarrou, ceux et celle que Rieux avait aimés et perdus, tous, morts ou coupables, étaient oubliés », toutes les propositions sont équivalentes, Cottard et Tarrou sont les deux extrémités des visages adoptés pendant l’épidémie, « ceux et celle que Rieux avaient aimés et perdus » comprend une majeur partie des protagonistes de l’œuvre, « tous » et « morts ou coupables » reprennent elles aussi les extrêmes. On observe aux lignes 3,4 et 5 : « Cette nuit n’était pas si différente de celle où Tarrou et lui étaient venus sur cette terrasse pour oublier la peste », une analepse qui vient immiscer le souvenir d’une victime de la peste, et ce dès le début des réjouissances, dans le but d’accentuer le principe de ne jamais oublier les victimes d’une catastrophe et encore moins ceux qui ont combattu contre celle-ci.
 On est donc en présence d’une exagération qui présente le fait que les hommes oublient très vite les catastrophes. De plus, des lignes 26 à 32 : « Rieux décida alors de rédiger le récit qui s’achève ici, pour ne pas être de ceux qui se taisent, pour témoigner en faveur de ces pestiférés, pour laisser du moins un souvenir de l’injustice et de la violence qui leur avaient été faites, et pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans l’homme plus de choses à admirer que de choses à mépriser », ce passage témoigne d’une énumération de « pour » qui exposent les raisons pour lesquelles Rieux, donc Camus, a décidé de réaliser ce texte. Il met en valeur le fait que les grands hommes se révèlent lors de catastrophes comme la peste qui n’est finalement qu’un exemple pour illustrer ses déclarations. On ne doit donc évidemment pas oublier ces hommes là puisque ce livre est aussi écrit pour en laisser des traces. On est donc dans les deux passages précédent dans un devoir de mémoire qui est particulièrement illustré dans le dernier paragraphe : « Ecoutant, en effet, les cris d’allégresse (…) la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse ». Nous sommes même dans un appel à la résistance dans l’avant dernier paragraphe de la ligne 34 à 40 : « Elle ne pouvait être que le témoignage de ce qu’il avait fallu accomplir et que, sans doute, devraient accomplir encore (…) s’efforcent cependant d’être des médecins ». Camus averti les générations futures de lutter contre le Mal et de ne jamais baisser les bras, même si nos actes semblent vouer à l’échec car pour lui, lutter est le chemin qui mène à la sainteté.
 
            Nous arrivons maintenant à la conclusion de ce commentaire où nous pouvons dorénavant dire qu’il y a dans ce huitième extrait de « La Peste », une euphorie liée à la délivrance, une euphorie qui a pour but de se changer les idées mais par la même occasion, fait oublier les victimes de la peste, aussi bien ceux qui ont lutter que ceux qui ont laissé passé le cataclysme sans rien faire. Camus nous rappelle néanmoins qu’il ne faut en aucun cas les oublier par l’intermédiaire d’un devoir de mémoire, tout en nous rappelant que les grands hommes sont ceux qui se révèlent lors de grandes catastrophes. De plus il nous dit de lutter de toutes nos forces contre le Mal, quel qu’il soit, et de quelconque manière, l’important étant de ne jamais le laisser faire.
            Nous pouvons donc conclure que la principale caractéristique de cette fin est le fait qu’elle agisse comme une morale, une conclusion à l’œuvre, et qu’elle présente les hommes tels que les conçois Camus.
Delion V., Guittet G. et Baudet G.