La vie, Mode d'emploi

Travail effectué par des élèves du lycée Touchard - Le Mans - France

livre_Georges Pérec_LA VIE MODE D'EMPLOI
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«La vie mode d'emploi» est un roman écrit en 1978 par Georges Perec. Ce romancier (1936 à Paris/1982 à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne), membre du mouvement OULIPO pense que le fait de s'imposer beaucoup de contraintes dans l'écriture permet de développer l'imagination des écrivains. «La vie mode d'emploi» est construit sur ce modèle, le bi-carré. Ce roman raconte l'histoire de personnes habitantes dans un même immeuble, dont on ne connaît ni le nom, ni l'emplacement. Dans l'incipit, texte ici étudié, nous avons ici la description de l'immeuble et de l'action des personnages. On peut donc se demander en quoi cet incipit montre-il la singularité de ce texte? 

Nous commencerons donc par analyser la voix narrative particulière du texte, puis nous verrons la description du cadre du récit ici présenté et enfin les personnages du récit. Le tout afin de répondre à la problématique donnée. 


Pour commencer, on peut analyser la première phrase. « Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d'une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir, où la vie de l'immeuble se répercute, lointaine et régulière.» «Ici» est un adverbe de lieu, et «ainsi, comme ça» sont des pronoms démonstratifs. Tout cela ramène généralement à quelque chose qui a été dit. Or ici, nous sommes dans l'incipit du livre et on ne connaît donc pas ce à quoi ça correspond, et ça provoque une attente chez le lecteur. 
De plus, on peut voir une sorte de «réponse» dans la phrase, avec «ainsi» qui correspond à « d'une manière lourde et lente», «ici» correspond à «dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne» et «comme ça» correspond à «où les gens se croisent presque sans se voir, où la vie de l'immeuble se répercute, lointaine et régulière.». Malgré cette sorte de «réponse», il n'y a pas de cadre précis, pas de lieu dit, tout reste vague et général. 

Et les temps verbaux ne correspondent pas aux temps verbaux classiques au récit, qui sont les temps du passé. Le récit est ici au temps présent de vérité générale «se passe,ne perçoit,s'arrêtent,se barricadent...». 

Dans cette seconde partie, on peut relever, dès la ligne 4 «De lourdes portes», qui a une connotation très négative. La porte pourrait ici être la métaphore des secrets que les habitants de l'immeuble portent et qui «pèsent» sur leur vie. 
Plus loin, à la ligne 5, « ces échos éclatés, ces bribes, ces débris, ces esquisses, ces amorces, ces incidents ou accidents». Nous observons ici une énumération qui représente tous les morceaux de conversation que les habitants ont dans les parties communes. L'énumération continue avec «ces petits bruits feutrés que le tapis de laine rouge passé étouffe, ces embryons de vie communautaire». On peut ici constater une métaphore du mot embryon qui pourrait signifier ici que la vie en communauté n'est pas très développée, elle n'en est même qu'a son commencement. Mais cela ne se développe pas , puisque les quelques mots qui suivent la métaphore et terminent la phrase sont « qui s'arrêtent toujours aux paliers». 

Plus loin encore, ligne 11, on peut lire ici les actions que les habitants font en même temps « à quelques centimètres les uns des autres, une simple cloison les sépare». Il y a une opposition entre les portes qui sont lourdes, donc forcément épaisses et les cloisons qui sont fines, et qui séparent les habitants d'un même étage de quelques centimètres. Cela pourrait ici signifier que la porte, qui serait la métaphore des secrets gardés ne sert presque à rien, puisque les cloisons sont fines et laissent passer tous les bruits, donc laissent passer ces mêmes secrets. 
  A la ligne 11, on peut lire les actions que les habitants font en même temps «ouvrir le robinet, tirer la chasse d'eau, allumer la lumière, mettre la table [...]». La vie des habitants est ici standardisée, puisque tous les gestes sont fait simultanément. Cette énumération montre la monotonie et la répétition des actes et des gestes dans cet immeuble. 
La ligne 14-15 «Ils se barricadent dans leurs parties privatives» montre le climat d'austérité et le sentiment d'insécurité des habitants. Le verbe «se barricader» à ici une connotation très négative de l'immeuble et des voisins, comme si les autres étaient les ennemis.
Les lignes 21/22 accentuent encore ce sentiment d'insécurité, avec «C'est à cause de cela que l'escalier reste un lieu anonyme, froid, presque hostile». Cette gradation renforce encore le sentiment d'insécurité. 
Cette phrase marque la fin de la description de l'immeuble et du début de la comparaison entre les immeubles modernes et les maisons anciennes. 

Dans cette troisième et dernière partie, on peut voir que tout est généralisé « Les habitants (ligne 9); le chien (ligne 17); l'enfant (ligne 17); les lettres (ligne 19); les déménageurs (ligne 19); le médecin (ligne 20). On peut voir, dans cet énumération, qu'il n'y a aucun personnage humain principal. L'immeuble, lui, semble le personnage principal, puisqu'il est au centre de ce roman. 
C'est un incipit singulier, puisqu'il présente, généralement, dans le roman, le personnage principal, ou les personnages principaux. Nous n'avons, ici , aucun personnage principal. 


En conclusion, le fait qu'il n'y ait pas de précisions (noms des personnages, lieu et nom de l'immeuble...) et pas de personnage principal rend l'incipit de ce roman particulier, puisque le rôle d'un incipit est de présenter le personnage principal ou les personnages principaux et les lieux dans lesquels se dérouleront l'action. 

Enfin, le fait que le texte soit généralisé donne un certain universalisme à ce roman, et il est encore , bien qu'écrit en 1978 très actuel.