Le personnage picaresque

LE PERSONNAGE PICARESQUE

Question I :

 

                Nous sommes en présence de trois extraits de roman, Le Roman comique (1651-1657) de Scarron, La vie de Lazarillo de Tormes (1554) dont l’auteur est resté anonyme et Histoire de Gil Blas de Santillane (1715-1735) de Lesage.  Dans ces extraits, les trois personnages, Le Destin, Lazarillo et Gil Blas semblent nettement éloignés des caractéristiques propres au héros traditionnel.

                Nous nous demanderons donc en quoi, dans ces extraits, nous pouvons parler de personnages picaresques.

                Sachant que le Picaro est plutôt de basse condition sociale, qu’il voyage, qu’il est plus rusé que courageux et qu’au travers de lui apparaît une critique de la société, nous étudierons leur condition sociale, leur façon d’affronter le danger pour enfin nous intéresser au fait qu’ils servent de vecteur pour dénoncer les vices de la société.

 

 

                Nous remarquons tout d’abord que nos trois personnages sont de basse condition sociale. Dans le roman de Scarron, Le Destin est comédien, ligne 19 « pauvre comédien ».  Nous savons qu’au 17ème, même si le théâtre est devenu le Grand genre de la littérature, les acteurs sont encore rejetés par l’église et une certaine partie de l’Aristocratie, les dévots jansénistes. Lazarillo, lui, est « né dans le ruisseau » ligne 9 et perd son père lorsqu’il a huit ans ligne 18 « sa vie prit fin ». Gil Blas, quant à lui, comme nous le précise le chapeau, est né dans la misère.   Par ailleurs, nous savons également, parce qu’il se trouve dans une auberge, que le personnage du Roman Comique est sans doute en voyage. Lazarillo évoque également un changement de lieu après la mort de son père ligne 20 puisque sa mère « vint donc vivre à la ville. Gil Blas, de son côté, était en route vers Salamanque lorsqu’il a été enlevé par les bandits nous informe le paratexte. Nous avons observé que les trois personnages, comme le Picaro, sont bien de basse condition sociale et qu’ils voyagent. Nous allons maintenant voir s’ils sont astucieux face au danger.

 

                Dans les extraits du Roman comique et de L’histoire de Gil Blas de Santillane, on peut relever une parodie de registre épique dans la mesure où l’on note la présence du champ lexical de la guerre - lignes 29 à 32 « il se tirerait à son honneur de la bataille […] allait lui présenter » et l 45 « combattre ou bien se rendre » chez Scarron, ligne 44 « Arme-toi de courage » et lignes 48-49 « je pris mon épée et mes pistolets » chez Lesage – alors que nos deux « valeureux » personnages doivent soit se défendre des assauts d’une énormes bourgeoise pour le Destin, soit affronter une « pauvre cuisinière pour Gil Blas. Tout cela montre bien entendu leur manque de courage qu’ils arrivent cependant à compenser par leur caractère astucieux. En effet, le personnage du Roman comique utilise à plusieurs reprises le langage courtois pour essayer d’échapper à la Bouvillon comme aux lignes 19-20 « entre un pauvre comédien et une dame de votre condition » ou alors, lorsqu’il tente désespérément de maintenir la porte ouverte « je l’irai ouvrir » ligne 7, « j’aille ouvrir la porte » ligne 21. Gil Blas, lui, simule d’affreuses douleurs intestinales pour pouvoir s’échapper des bandits ligne 1 « je feignis d’avoir la colique » et pousse même le stratagème jusqu’à leur faire croire qu’il veut pourtant les accompagner lignes 29-32 « je voulus leur faire croire […]  grande envie de les accompagner ». Dans l’extrait de La vie de Lazarillo de Tormès, son manque de courage n’est pas évoqué mais le personnage narrateur sait faire preuve de clairvoyance et d’ironie lorsqu’il critique la justice avec l’accumulation ligne 12 « il confessa, ne nia point, » ou l’église avec l’apposition ligne 14 «,selon l’évangile ,». Ceci nous montre donc son caractère astucieux. Les caractéristiques étudiées dans ce paragraphe nous permettent de rapprocher encore un peu plus nos personnages du Picaro. Il ne nous reste plus à vérifier que ces caractéristiques servent enfin, à dénoncer les vices de la société.

 

                Comme nous l’avons vu précédemment, le personnage-narrateur, Lazarillo de Tormès, utilise l’ironie pour dénoncer la religion et la justice mais il accuse aussi directement cette dernière lorsqu’il évoque le sort de son père ligne 13 « il souffrit la persécution à cause de la justice ». L’euphémisme concernant sa mère lignes 22-23 « elle en vint de la sorte à fréquenter les écuries » montre également la cruauté de la société vis-à-vis des femmes. Pour les extraits de Scarron et de Lesage, la critique est moins virulente mais reste tout de même présente. La riche Bourgeoise, Bouvillon, tournée en ridicule peut être envisagée comme une sorte de satire sociale. Chez Lesage enfin, lorsque la cuisinière dit à propos des bandits ligne 57 que « ces messieurs sont d’honnêtes gens », on peut envisager un renversement des valeurs morales qui ferait de personnes supposées être « d’honnêtes gens »telles que les aristocrates ou le clergé, de vulgaires bandits.

 

                Au terme de cette étude, nous avons pu voir que les personnages sont de basse condition, qu’ils voyagent, qu’ils sont peureux mais astucieux et qu’au travers de leurs aventures, se dessine une critique de la société. Nous pouvons donc affirmer qu’il s’agit bien de personnages picaresques