Par Francisca et Javiera

Le prince, publié en 1513, est un court traité argumentatif de l’écrivain, diplomate et philosophe italien Niccolò dei Machiavelli, mieux connu en France sous le nom de Nicholas Machiavel (né en 1469 – mort en 1527). Son œuvre est dédiée au duc de Médicis et un des sous-titres de celle-ci est « Comment les princes doivent tenir leur parole ».

Cette sous-partie, laquelle nous avons analysé, présente l’opinion que Machiavel a du comportement des princes de l’époque et invite aux lecteurs à réfléchir sur celui-ci et sur leur attitude.


Quelle stratégie argumentative est mise en place pour démontrer la manque de loyauté des princes ?

 

Pour ce faire, nous verrons dans un premier temps le point de vue de l’auteur envers le devoir des princes, pour continuer avec la duperie et finalement, le rôle du lecteur dans cet extrait.

 

Dans un premier temps, on doit préciser que le point de vue présenté par l’auteur sur le manque de loyauté des princes est subjectif puisque il expose aux lecteurs sa propre opinion : « si (…) mon précepte serait » (l.22). D’après lui, les princes qui ne tiennent pas sa parole sont en train de tromper le peuple, lequel confie et croit en eux. Entre les lignes 3 à 5, on peut observer la présentation de la thèse de Machiavel, laquelle lui servira pour pouvoir développer ses arguments et de cette manière, pouvoir prouver ses pensées.

De plus, son texte est composé par des phrases affirmatives, ce qui démontre qu’il est complétement sûr de ce qu’il dit : « Néanmoins, on voit par expérience que les princes qui, de notre temps, ont fait des grandes choses, n’ont pas tenu grand compte de leur parole(…) ». Dans ces dernières lignes, Machiavel laisse entrevoir que pour lui tous les princes font de la même manière : il généralise en utilisant une hyperbole et ne parle pas d’un cas en particulier.

 

Ensuite, on peut remarquer que l’auteur veut insister sur la quantité indéfinie de princes qui sont infidèles à leur royaume et à leur parole. À partir de la ligne 25 on peut observer que ce qui se passe est quelque chose considérée comme grave par Machiavelli et, pour cette raison, il justifie ses pensées par des exemples : « on pourrait en alléguer d’infinis exemples du temps présent, montrant combien de paix, combien de promesses ont été faites en vain et réduites à néant par l’infidélité des princes. ». Cette dernière citation nous présente aussi l’accent que l’auteur veut mettre sur le sujet qu’il présente : il recourt à  l’anaphore en répétant le mot  « combien » pour nous démontrer que c’est impossible de savoir la quantité de princes qui n’ont pas tenu leur parole et qui ont fait un mauvais usage de leur pouvoir.

 

D’une part, son essai comporte un ordre déterminé : il utilise des adverbes et des conjonctions pour rythmer son argumentation et faire un lien entre cause et conséquence: « Néanmoins » (l.2) ; « donc » (l.6) ; « Ce pourquoi » (l.9) ; « Si donc » (l.16) ; « Partant » (l.19) ; « Et » (l.23) ; « Mais » (l.26).

D’autre part, il utilise les verbes « falloir » et « devoir » pour démontrer qu’une attitude correcte de la part des princes est quelque chose qui est déjà établie précédemment.

Cela nous dit que Machiavel se préoccupe de la structure et composition de son texte pour qu’il ait une influence sur le lecteur et soit crédible.

 

Finalement, Nicholas Machiavel pense que les princes font ce qu’ils veulent et apprivoisent l’incrédulité des hommes, lesquels sont des personnes naïves face à eux puisqu’ils ne connaissent pas leurs intentions et leurs pensées. De même, la phrase « celui qui trompe trouvera toujours quelqu’un qui se laissera tromper. » (l.30-31), est un bon choix de la part de l’auteur pour décrire cette situation. Pour lui, ce sont les princes qui trompent et c’est le peuple qui est trompé, ce qui nous amène à une antithèse puisque le prince qui trompe est un seul, mais pourtant, il a des milliers de personnes face à lui pour tromper.

 

 

Dans un deuxième temps, en analysant l’exemple de la bête et de l’homme proposé par Machiavel, on peut observer que celui-ci arrive à le mettre en relation avec la duperie des princes. En premier, il nous explique qu’avant les princes, ou « grands seigneurs » comme il les appelle à la ligne 11, étaient éduqués par le centaure Chiron. Ce dernier est demi-homme et demi-bête. Puis il fait une analogie entre Chiron et la manière de gouverner : d’après lui, il existe deux manières de combattre : « l’une par les lois, l’autre par la force. » (l.6-7) : la loi s’applique aux hommes et la force aux bêtes, mais comme les hommes agissent semblable aux bêtes, il faut appliquer les deux manières. On peut conclure donc que les princes doivent être comme Chiron : ils doivent être bête mais aussi homme.

 

C’est à ce moment-là que Machiavel nous présente sa théorie du renard et du lion, lesquelles sont les deux manières d’user la bête. Le renard représente la ruse et le lion représente la force. Mais, à la ligne 19, il nous dit à l’aide d’une métaphore que « ceux qui veulent seulement faire les lions n’y entendent rien. » Qu’est-ce que cela veut dire ? On pourrait interpréter que pour comprendre et réussir on doit être comme un renard, donc être astucieux et utiliser la ruse. Mais, qui est-ce qui utilise la ruse d’après lui ? Ce sont les princes, donc le lion ce serait le peuple puisqu’il est trompé par le renard. Cela nous emmène à une contradiction puisque Machiavel nous dit que les princes agissent de manière incorrecte lorsqu’ils ne tiennent pas sa parole, mais ensuite il se contredit lorsqu’il dit qu’il faut utiliser la ruse et être un renard pour pouvoir réussir : « celui qui a mieux su faire le renard s’en est toujours le mieux trouvé. » (l.27-28). De plus, Niccolò dei Machiavelli nous dit qu’il faut être « grand simulateur et dissimulateur » (l.28) : on pourrait penser qu’il évoque, inconsciemment, les princes car ce sont eux qui simulent être et faire quelque chose mais à la fois dissimulent leurs mauvaises actions.

 

Enfin, on peut dire que les princes sont plutôt des bêtes puisqu’ils n’obéissent pas à la loi : ils trompent son peuple en n’ayant pas de la fidélité pour sa parole.

 

 

Dans un dernier temps, on observe que le lecteur a un rôle clé dans cet extrait. Même s’il n’y a pas un destinataire précis (l’œuvre est dédiée au duc de Médicis, mais il n’existe pas un type de lecteur prédéterminé auquel le texte soit dirigé), ce qui se voit à partir de l’utilisation du pronom « on » (l. 2), Machiavel interpelle son lecteur dès le début du texte : « Chacun entend assez qu’il est(…) » (l.1). Cela nous démontre qu’il veut le convaincre mais aussi l’inviter à réfléchir, à former une opinion et à penser comme lui.
La première phrase du texte est une affirmation qui est complétement discutable : pour Machiavel c’est l’image idéale d’un prince, mais peut-être il y a des lecteurs qui ne seront pas d’accord avec lui.

 

De la même manière, le lecteur est considéré comme témoin de la ruse de princes que présente l’auteur, mais aussi, il reçoit des conseils de ce qu’il doit faire de la part de Machiavel : « D’autant que si les hommes étaient tous des gens de bien, mon précepte serait nul, mais comme ils sont méchants et qu’ils ne tiendraient pas parole, etiam tu n’as pas à la tenir toi-même. » (l. 21 à 23) Cela nous dit que le lecteur est constamment considéré par l’auteur et sa participation est importante dans l’œuvre puisque Machiavel écrit pour convaincre et pour présenter ses pensées et plaintes à quelqu’un.

 

 

En conclusion, pour répondre à la problématique, on peut dire que la stratégie argumentative mise en place pour démontrer la manque de loyauté des princes est que Machiavel présente des exemples du passé pour convaincre au lecteur que la manière dont les princes doivent agir est déjà établie, et donc ce qu’ils sont en train de faire à ce moment-là va contre les principes. De plus, en interpellant le lecteur et en parlant des « hommes » et pas des « princes », il crée une sensation d’identification avec l’idée qu’il présente. Finalement, il présente son opinion comme des faits véridiques, même si c’est une pensée personnelle et subjective : de cette façon son essai prend une signification  différente et convainc le lecteur de la faute commise par les princes.